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Pour ce nouvel épisode de The Storyline, je vous propose un format légèrement différent. Il a en effet été réalisé à 3 voix, puisque je reçois Albin Wagener et Romain Enjalbert, deux co-fondateurs de Malheurs Actuels. Ce média parodique dédié à l’inaction climatique cumule déjà, après seulement 2 mois d’existence, près de 20 000 followers sur LinkedIn !
Au micro, on discute ensemble de la genèse du projet, mais aussi de la puissance de l’humour et de la satire pour fédérer une audience et écrire collectivement un nouveau récit autour d’un sujet de société fort.
Lancer un média satirique pour l’amour du LOL
A première vue, Albin et Romain n’avaient aucune raison de travailler ensemble. Les deux co-fondateurs de Malheurs Actuels, en plus de ne s’être jamais rencontrés IRL, ont surtout deux trajectoires professionnelles très différentes.
Albin est enseignant et chercheur en sciences du langage. Une première vie, dans laquelle il a déjà analysé de nombreux discours climatiques et environnementaux, en particulier ceux des climatosceptiques. De son côté, Romain a officié dans deux univers très différents : celui de l’analyse financière et celui du rap.
C’est après quelques échanges sur LinkedIn entre Romain et Albin que Malheurs Actuels (MA) prend forme. Ils veulent créer un Gorafi vert, et contribuer à casser les codes très alarmistes et pessimistes du discours environnemental ambiant. Très vite, une équipe de contributeurs bénévoles se forme autour du projet et se retrouve sur Discord.
Alors même que les créateurs de MA ne se connaissent pas, la sauce prend rapidement. Si aucun n’a réellement un profil de militant, tous partagent la même fibre verte et l’amour du LOL, comme le résume Albin dans le podcsast. Deux conditions sine qua none pour s’approprier les codes du journal satirique et sensibiliser le plus grand nombre à l’urgence climatique, sans s’appuyer sur les chiffres ou des études sérieuses.
Le fonctionnement anarchique d’un média satirique
Malheurs Actuels connaît alors une très belle croissance, en seulement quelques mois, Le média satirique peut compter sur une équipe d’une douzaine de personnes qui échangent sur Discord et témoignent d’expériences et appétences très variées.
Un peu comme des amis qui décideraient de se lancer sur un projet en se disant qu’ils verront bien ce que ça donne, l’équipe de MA fonctionne de manière anarchique, en attendant que des processus plus rigoureux se mettent en place. Le projet étant encore très jeune et ses acteurs bénévoles, chacun fait avec le temps et l’énergie dont il dispose.
À mesure que le média émerge, les formats se structurent et se diversifient. Brèves, articles plus poussés, horoscope et mèmes… Ces différents contenus permettent à chacun d’exploiter sa plume et au média de se déployer sur plusieurs canaux.
Quelles ramifications pour un média multi-plateformes ?
Dès ses début, l’équipe fait le choix de se positionner sur différents réseaux, mais aussi d’avoir son propre site web. Une stratégie qui donne à MA le statut de média, et le différencie des autres comptes parodiques (notamment présents sur Twitter) qui peuvent partager la même ligne éditoriale.
Pourquoi ce déploiement multi-canal ? D’abord, parce que parmi les créateurs, MA peut compter sur de puissants relais. Les co-fondateurs ont pour certains déjà de grosses communautés, notamment sur LinkedIn, ce qui leur permet de gagner rapidement les 5 000 premiers abonnés de Malheurs Actuels. La couverture presse et une chronique sur France Inter se chargeront du reste.
Mais pour exploiter plusieurs réseaux, encore faut-il adapter ses formats et sa stratégie à chaque audience. Romain reste ainsi vigilant aux tendances natives de chaque plateforme pour se démarquer (le bon mot sur Twitter, les mèmes et les Reels sur Insta…).
On touche là à une bonne pratique ultra-importante en marketing ! Celle de considérer chaque canal comme une plateforme d’expression et de communication à part entière. Comme le souligne Romain au micro de The Storyline, il est essentiel de prendre le temps de comprendre l’audience de chaque réseau social, pour savoir comment s’y adresser et interagir avec elle.
Dans cette stratégie omnicanale, le site internet permet de s’affranchir des algorithmes. Mais aussi (et surtout) de centraliser l’ensemble de son contenu et de crédibiliser son média satirique.
Passer d’une ligne éditoriale réactive à une ligne créative
Lorsque l’on a les pieds dans plusieurs réseaux, comment créer une ligne éditoriale cohérente ? Le parti pris de Malheurs Actuels a tout de suite été de se marrer sans froisser. La ligne édito s’est définie naturellement autour d’un contenu safe et non discriminant, MA ne fait pas de l’humour aux dépens des autres mais s’attaque plutôt aux instances dirigeantes.
L’équipe se concerte pour créer des contenus à la fois fun (c’est son ADN), mais aussi poétiques, en faisant par exemple parler Dame Nature. Dès qu’un contenu sort de cette ligne, les garde-fous font leur travail pour le recadrer. Chaque format est travaillé à plusieurs mains, ce qui permet d’adoucir ce qui doit l’être ou au contraire de donner un peu de piquant lorsque cela est nécessaire.
Ce travail de co-création permet aussi à Malheurs actuels de trouver son rythme, sans se forcer. Même si l’actualité ne laisse pas vraiment de répit à ses équipes, elles ne s’obligent pas à sortir une brève par jour. Un positionnement qui permet de ne pas s’enfermer dans des postures, et de passer d’une ligne réactive à une ligne créative.
Se faire une place dans l’écosystème militant sur LinkedIn
Le positionnement de Malheurs Actuels est d’autant plus pertinent sur des réseaux comme LinkedIn que l’activisme y tient une place de plus en plus importante. On voit en effet de plus en plus de comportements qui n’auraient choqué personne il y a quelques années (prendre l’avion pour un week-end à l’autre bout du monde) être aujourd’hui décriés et même désamorcés sur la plateforme.
Pour les fondateurs de MA, cette éclosion du militantisme sur LinkedIn est en grande partie due à deux acteurs : Jean-Marc Jancovici et Bon Pote, qui ont beaucoup d’influence sur le réseau. En prenant le créneau de l’environnement à bras le corps, ils ont opéré un réel changement de paradigme. Cependant, ils s’expriment sur un ton plutôt radical, qui mêle urgence et culpabilisation pour accélérer la prise de conscience collective.
De son côté, Malheurs Actuels fait le choix de l’humour, s’inscrivant non pas en opposition mais dans la complémentarité de ses prédécesseurs sur LinkedIn. Pour Albin et Romain, il faut de tout pour faire un monde plus vert. L’intérêt de multiplier les discours est de faire entrer l’actualité climatique sur LinkedIn et de construire un discours commun dans lequel tout le monde s’y retrouve.
La voie de l’humour : quel bilan à M+2 ?
Pour les fondateurs de Malheurs actuels, l’humour est un bon moyen de créer de l’émotion et donc d’atteindre son audience. La satire marche et la communauté autour du média a naturellement grandi.
Désormais, il leur faut réfléchir à l’après, et à la stratégie à mettre en place pour transformer l’essai. Là encore, MA marche à l’instinct. L’idée est de tirer sur le fil, en évitant néanmoins de parler toujours à la même population, déjà sensible aux questions climatiques.
L’enjeu de l’équipe est ainsi d’élargir la base, tenir le rythme, innover sur les formats. Mais aussi améliorer la DA pour être aussi impactant dans le fond que dans la forme.
Le cas MA est un condensé de bonnes pratiques et de leçons, à la fois en termes de communication, mais aussi d’engagement. Il y a mille choses à retenir des propos d’Albin et de Romain, mais je vous en rappellerai deux ! La première, c’est de prendre le temps de comprendre qui sont vos audiences sur chaque canal et réseau social sur lesquels vous prenez la parole, pour réellement adapter votre discours à ces dernières. La deuxième, c’est de ne pas oublier de vous amuser dans votre manière de communiquer. Parce que l’authenticité se ressent et elle reste la meilleure manière de fédérer des individus !