#50 – Les 3 piliers de la communication engagée

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Aujourd’hui, on s’attaque à un sujet passionnant, qui a pris de l’ampleur ces dernières années : le marketing engagé. De plus en plus d’entreprises agencent leur stratégie de communication, voire leur modèle économique tout entier pour les plus motivées, autour de l’impact positif de leurs produits et de leurs actions. 

 

Pour mieux comprendre les grandes tendances à l’origine de ce mouvement, mais également les bonnes pratiques pour communiquer sur son engagement et son impact, j’ai invité Margaux Roux. Après un parcours “classique” (grande école, grandes entreprises et agences de comm), Margaux s’est réorientée vers un style de vie et de travail qui fait sens avec ses aspirations personnelles. Nomade digitale, slasheuse et entrepreneuse à impact, elle multiplie les projets et les destinations d’expatriations. 

 

Ensemble, on décortique les tenants et les aboutissants de la com’ engagée. 

 

Reprendre les codes du militantisme pour communiquer 

 

L’un des principaux sujets abordés avec Margaux, c’est sa vision de l’intersection entre futur du travail et de la consommation. Une intersection qui s’incarne parfaitement dans sa trajectoire personnelle ! Après de premières expériences pro décevantes en France, elle boucle ses valises pour s’installer à Bali. À l’autre bout du monde, Margaux cherche son équilibre entre vie professionnelle challengeante, et cadre de vie épanouissant. Elle lance notamment le Hub Nomade, une communauté qui décortique les nouveaux modes de travail

 

Depuis Bali, elle s’engage aussi dans un projet aligné avec ses propres valeurs : Chacun Son Café (CSC). Confrontée aux contradictions du retail en France, et à la pollution plastique en Indonésie, elle s’engage auprès de cette entreprise qui offre une alternative aux capsules à café. Pour faire entendre son discours contre les emballages à usages uniques, pas très audible à sa création en 2005, Margaux lorgne du côté du militantisme associatif – et notamment de son incarnation sur les réseaux sociaux. À l’époque, on voit fleurir les instantanés de militants brandissant des pancartes aux messages impactants. Margaux en emprunte les codes et propose aux militants locaux d’utiliser un hashtag engagé : I am a capsule Killer.

 

CSC s’intéresse à toute la filière café pour changer complètement son modèle économique. Avec l’initiative One Cup One Cent, l’entreprise permet à ses clients de donner un centime à chaque tasse de café. Margaux accompagne aussi les cultivateurs à passer à l’agroforesterie pour augmenter le prix de leur café, et diversifier leurs revenus. 

 

Aller au delà du blabla : éloge d’un marketing transparent, fondé sur la preuve

 

La preuve : c’est toute la différence entre les entreprises militantes, et celles qui se contentent de communiquer sur leurs engagements. D’un côté, on voit émerger des B-Corp qui repensent complètement leur modèle économique pour l’orienter vers le bien commun. De l’autre, des organisations qui promeuvent leurs initiatives de RSE, mais maintiennent le business as usual, guidées par le profit. 

 

Demain, selon Margaux, plutôt que de valoriser leurs actions philanthropiques, les entreprises devront fournir les preuves de leur impact positif. Et ce, à toutes les étapes de leur chaîne de valeur. Le marketing par la preuve permet d’éviter l’écueil du greenwashing et d’un positionnement peu authentique, motivé uniquement par le profit. 

 

Plutôt que de virer complètement de bord (comme EasyJet, qui affirme être neutre en carbone parce que l’entreprise compense ses émissions), il faut désormais prouver que son activité économique ne porte pas atteinte à l’environnement ou aux communautés locales. Comme l’explique Margaux dans l’épisode, c’est la transparence et l’humilité qui doivent primer dans la prise de parole des entreprises. 

 

Les marques ont en effet tout intérêt à se montrer transparentes dans leur démarche. Plutôt que de prétendre être parfaites, elles doivent faire preuve de sincérité quant à leur démarche d’amélioration. Un peu comme Carrefour ou Nestlé, qui bien qu’étant loin d’être des entreprises 100% vertueuses, communiquent honnêtement sur leurs efforts. 

 

CSC adopte aussi cette approche, notamment dans une filière du café qui n’est elle pas non plus irréprochable. Mais en expliquant qu’elle essaye d’être la plus rigoureuse possible, et que son engagement est un “work in progress”, la marque crée un lien de confiance avec ses clients. 

 

Communiquer sur ses valeurs sans tomber dans le ‘washing’ : les trois piliers des marques engagées 

 

Pour éviter de tomber dans le bullshit de l’entreprise engagée, Margaux conseille avant tout d’éviter les formules simplistes ou réductrices. On résiste donc à la tentation d’utiliser comme argument de vente la possibilité de sauver la planète. Ou encore, de changer le monde en achetant un produit !

 

Pour être crédible, mieux vaut s’évertuer à expliquer la complexité des initiatives que l’on met en place. Ou bien, les enjeux qui se cachent derrière les engagements d’une marque. Les consommateurs, soucieux de limiter l’impact de leurs achats, souhaitent avant tout comprendre les défis auxquels les entreprises doivent faire face. Charge à elles, néanmoins, de le faire de manière condensée et pédagogique, pour tenir compte du temps d’attention limité des consommateurs…

 

Afin de maîtriser leur communication, les marques engagées devront ainsi respecter les trois piliers suivants :

 

1.Donner des informations

 

En tant que clients, on ne connaît pas forcément les enjeux que sous-tendent nos pratiques de consommation. À charge des marques de vulgariser les documentations scientifiques qui existent déjà ! Mais aussi, d’en soulever les enjeux principaux, et de montrer comment elles y répondent. 

 

2. Apporter la preuve de ses engagements

 

Le second pilier consiste à apporter des preuves concrètes de ses actions. Et ce, notamment en étayant sa communication de metrics précises. Pour CSC, cela passe par des chiffres clés, partagés aux entreprises via leur rapport d’impact. Elle peut ainsi mettre en avant le nombre de fermiers accompagnés dans leur transition vers l’agriculture biologique. 

 

3. Impliquer les parties prenantes

 

Pour incarner leurs valeurs, les marques doivent également mobiliser leur communauté. Une bonne pratique qui consiste à donner la parole à ses fournisseurs ou à ses clients. Impliquer ses partenaires permet aussi d’en faire de véritables ambassadeurs, et de créer un contenu facilement partageable, donc potentiellement viral !

 

Fédérer une communauté autour de valeurs, et non d’un produit 

 

L’aspect communautaire est symptomatique du virage que prennent les marques engagées. En orientant leur contenu et les thématiques abordées pour prendre les paroles sur des modes de vie et de consommation, elles s’alignent aux aspirations de certains segments de population. Ce faisant, elles fédèrent les consommateurs non pas autour de leur produit, mais d’un idéal de vie. 

 

Ce tournant permet d’augmenter l’attachement à une marque, puisque ce dernier ne tient plus uniquement à l’utilité de son produit mais à la force de ses valeurs. Une stratégie d’autant plus pertinente sur les réseaux sociaux, puisqu’elle encourage les consommateurs à partager les actions d’une entreprise autour d’eux. D’où le succès d’une nouvelle génération d’entreprises comme Respire, ou encore Hopaal. Ces dernières marquent les esprits en lançant une dynamique vertueuse, et non pas en mettant en avant leur produit.  

 

Se faire une place dans un environnement de plus en plus saturé : l’importance du storytelling 

 

Dans un univers médiatique bruyant, force est de constater que le storytelling est une recette qui fonctionne. Résultat : de plus en plus d’acteurs se positionnent sur le créneau de l’impact. Et malheureusement, ces derniers font grossir l’énorme volume d’informations et de contenu déjà produit sur ces thématiques. 

 

Dans un environnement de plus en plus saturé, il n’est pas toujours facile de se faire sa place. Pour être reconnaissables et reconnues, Margaux conseille aux marques de valoriser leur singularité. Souvent, lorsqu’une marque se crée, elle se repose sur le projet d’un entrepreneur. Un storytelling ancré dans la personnalité du fondateur qui marche bien, puisque ce dernier incarne la marque et ses valeurs. 

 

Résultat, comme avec Respire, il devient bientôt difficile de décorréler l’entreprise et son fondateur ou sa fondatrice. Le risque ? Celui de s’enfermer dans un schéma narratif assez classique, dans lequel le héros affronte son nemesis. 

 

Un storytelling de l’antagonisme qui positionne la jeune marque engagée contre l’ancien monde. En s’opposant aux marques “irresponsables”, les nouveaux entrants se créent une identité facilement reconnaissable. Elles créent aussi les conditions d’un attachement de la part de leurs audiences… 

 

Le mot de la fin : vers un militantisme de la construction et non de l’opposition

 

Si ce storytelling du chevalier blanc est une bonne manière de se faire une place, ne risque-t-il pas d’empêcher les marques de travailler leur identité propre, détachée de leur ennemi historique ? En effet, on peut se demander comment ces dernières se défendront quand de nouvelles marques se lanceront et souhaiteront devenir calife à la place du calife. Ou bien, lorsqu’elles feront un pas de travers, risquant un retour de bâton d’autant plus violent qu’elles auront centré toute leur communication autour de leur vertu (on pense ainsi à Sezane dans la tourmente suite à un comportement déplacé de ses équipes au Mexique). 

 

Pour éviter de se faire assommer, Margaux nous invite à adopter une communication plus positive. Mais aussi, à ne pas concentrer tout notre marketing sur l’opposition et la dénonciation. Bref, à embrasser un militantisme plus constructif que vindicatif !

 

Le témoignage de Margaux vous a-t-il inspiré ? Pour ma part, j’adhère énormément à l’approche qu’elle a adoptée pour faire grandir le projet de Chacun son Café. Et s’il n’y avait qu’une chose à retenir de nos échanges, ce seraient les trois piliers de communication des marques engagées qu’elle nous a partagé dans cet épisode : 

 

  • l’éducation des consommateurs  sur les enjeux liés à leur mode de consommation ; 
  • le marketing par la preuve plutôt que par les beaux discours ; 
  • et enfin l’implication des parties prenantes  tout au long de la chaîne de valeur dans la communication et le développement de produit.

 

Les ressources de l’épisode 

 

Le profil LinkedIn de Margaux

Le site de Hub Nomade

Le site de Chacun son Café

Un article sur le passage de la RSE aux entreprises B-Corp, et la jungle des labels à impact

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