#68 – Concilier valeurs et marketing dans son job et ses projets

🎙️ Le podcast est aussi disponible sur Spotify, Apple, Deezer et d’autres plateformes : par ici.

En 2023, les marques ont tout intérêt à mettre le curseur sur leurs valeurs pour rester désirables et pertinentes. 

 

Pour nous aider à tenir cette bonne résolution, j’ai reçu dans The Storyline Jasmine Manetco-créatrice du podcast Vocation et Directrice Générale de Youth Forever, l’association qui mobilise les entreprises sur la cause de la jeunesse. 

 

Dans cet épisode, elle nous partage les secrets de la création d’un média digital. Mais aussi, de l’organisation et du positionnement d’une association qui côtoie les entreprises au quotidien et partage avec elles certains de leurs codes de fonctionnement. Le tout, sur un fond de questionnement sur le sens que nous donnons à notre travail et à nos projets. 

 

Monter un podcast, et être le sujet de son sujet

 

Fraîchement diplômée d’HEC en 2020, avec une spécialité entrepreneuriat, Jasmine envisage de débuter sa carrière en se lançant à son compte. Avec son amie Carla, elle a d’ailleurs lancé un podcast en février 2020, Vocation, comme une manière détournée de répondre aux questions que les deux associées se posent sur leur avenir professionnel. Mais c’était sans compter la pandémie, qui bouscule leurs plans. 

 

Ce qui était à l’origine un side project va devenir le phare dans la nuit pour Jasmine. Vocation est alors progressivement devenu un média, explorant de nouveaux canaux de diffusion et de promotion. De simples fiches métier audio, le podcast a élargit aussi sa ligne éditoriale. Vocation devient une réflexion sur le monde du travail, en particulier quand on commence sa carrière. 

 

Jasmine s’y consacre finalement pendant un an à temps plein, notamment pour essayer de monétiser le jeune média. Mais elle ressent une frustration croissante à ne travailler qu’à la fin de la chaîne de valeur (en aidant les entreprises à formuler leur marque employeur pour réduire l’asymétrie d’informations) et non pas au début (en renforçant la qualité des jobs proposés). 

 

En attendant que le podcast devienne rentable, Jasmine teste le freelancing, devenant ainsi le sujet de son propre sujet ! Ses réflexions sur le sens qu’elle souhaite donner à son travail la pousseront à monter une association, Youth Forever, avec l’une de ses interviewées, Emmanuelle Duez, tout en continuant de travailler sur Vocation. 

 

Le side project comme ligne de sauvetage en pleine tourmente 

 

Avant d’explorer la genèse de Youth Forever, on creuse avec Jasmine le sujet du déploiement de Vocation sur plusieurs canaux. Car c’est la capacité à explorer d’autres supports de communication et à les utiliser pour fonder une communauté qui a permis au podcast de prendre de l’ampleur. 

 

À ses débuts, Jasmine rencontre un souci de découvrabilité et de partage de son contenu. Elle décide alors de sortir du format du podcast. Et ce, pour mieux toucher son audience, mais aussi pour créer avec elle une relation à double sens. 

 

Vocation se lance alors sur Instagram, un canal plutôt loisir qui lui permet d’atteindre sa cible, plutôt jeune. Sur le réseau social, Jasmine crée toute une arborescence de citations et de photos pour encourager sa communauté à se mettre au format audio long. Elle utilise également Instagram pour animer sa communauté, lui poser des questions et collecter des retours. L’une de ses membres, Louise, va même créer sa propre saison de Vocation, “Jobs”, sur les métiers à impact !

 

En plus d’Instagram, Vocation se déploie aussi sur LinkedIn et une newsletter, pour toucher une audience plus corporate. Mais au-delà de cette excellente exécution (qui prend en compte le parcours des auditeurs et multiplie les points de contact sur différents canaux), le succès de Vocation peut aussi s’expliquer par : 

 

  • Le momentum lié au Covid (plus de gens enfermés, qui consomment plus de contenus) ; 
  • La pertinence du sujet abordé (très vaste mais sous un angle rafraîchissant, avec un tone of voice à la fois naïf et déculpabilisant) ; 
  • Une communication à double sens, qui engage les auditeurs pour mieux faire grandir le média. 

 

Quand faut-il dire au revoir à son projet ? 

 

Après un an dédié à Vocation, et malgré l’engouement que rencontre le podcast, Jasmine sent qu’elle commence à patauger. Les symptômes ? Le projet ne lui plait plus, notamment parce que la question de sa monétisation prend trop de place. Par ailleurs, ses créatrices ne font plus des choix pour elles, mais pour leur audience. Jasmine remet également en question l’idéal de l’entrepreneuriat et celui de la startup nation

 

Ce décalage est source d’anxiété… Mais avant de prendre une décision, il faut mettre des mots sur ce qui ne va pas. C’est une véritable mise en abyme lorsque l’on parle de sens au travail toute la journée ! Dans le cas de Jasmine, il faut aussi faire le travail à deux, avec sa co fondatrice. Elles se déconstruisent donc petit à petit. Une démarche très significative de la prise de décision, qui ne s’opère pas en un claquement de doigts mais bien plus souvent en passant par une longue période de tensions psychologiques. 

 

Pour soulager cette tension, Jasmine nous conseille de parler de ses doutes autour de soi, car on est rarement le ou la seule à passer par là. Mais le plus important, c’est de se tenir à sa décision (qui est souvent déjà formulée au fond de nous) et d’aller de l’avant. 

 

Faire le vide pour ouvrir une nouvelle porte  

 

En ralentissant, en faisant le vide dans son quotidien, Jasmine découvre de nouvelles opportunités, des sollicitations auxquelles elle n’avait avant pas le temps de répondre. Beaucoup émanent d’ailleurs de son réseau et de sa vie d’avant. 

 

Parmi l’une de ces nouvelles portes qui s’ouvrent, il y a celle de créer une association. Youth Forever voit le jour en 2021. Jasmine, témoin de l’impact de la pandémie sur les jeunes, s’associe à Emmanuelle, fondatrice d’un cabinet de transformation, pour redéfinir le rôle de l’employeur et du recrutement dans ce contexte particulier. 

 

Jasmine a surtout envie d’aller plus loin et de remonter la chaîne de valeur qui s’est dessinée avec Vocation. Le format associatif lui permet cette fois-ci de mobiliser les entreprises pour qu’elles prennent leurs responsabilités, et surtout qu’elles prennent plus soin des jeunes générations. L’autre gros sujet traité par Youth Forever, c’est celui du futur de notre planète. L’association se donne donc pour ambition d’accélérer la transition et la transformation des entreprises en formant la relève. 

 

Pour mener à bien cette transformation, Youth Forever s’arme de trois outils complémentaires : 

 

  • Un observatoire, pour gagner en crédibilité sur le sujet et faire une curation de contenu ;
  • Le porte-parolat, qui lui permet de porter son message sur la jeunesse et la transformation des entreprises dans une approche de réconciliation et de nuance ;
  • La collaboration en B2B avec des entreprises, qui sont parfois parmi les mauvais élèves de la cause du climat. Youth Forever développe avec elles des outils en open source, pour créer de nouveaux standards. Un bon exemple en est la fresque du parcours du jeune collaborateur, qui permet aux RH de faire l’état des lieux de leur rapport aux nouvelles recrues et de confronter leurs perceptions et la réalité de leur prise de poste. 

 

Pourquoi créer une association et comment devenir visible ?

 

Plutôt que de monter un cabinet de conseil, Jasmine et Emmanuelle font le pari de créer une association. Pourquoi ? Parce que ce format leur permet de mener de front le sujet de la transition écologique et de l’arrivée des jeunes générations dans le monde du travail avec une boussole autre que le chiffre d’affaires. Leurs choix sont fondés sur l’intérêt général, ce qui leur permet de garder leur cap. Mais aussi d’être plus libres et plus militantes… Bref, de devenir le poil à gratter des organisations. 

 

Le choix de l’associatif permet aussi de créer un véritable mouvement et d’embarquer les politiques, associations et entreprises dans la formation d’un écosystème durable.  Spoiler : c’est un chantier difficile que de  trouver des alliés pour amplifier un message. Pour être crédible face à ses interlocuteurs (des DRH, des PDG), Jasmine doit être soutenue par des personnes qu’ils jugent crédibles. Son premier soutien est bien sûr Emmanuelle, qui bénéficie déjà de 10 années d’expérience dans ce domaine. 

 

Mais Youth Forever s’entoure également d’un comité stratégique intergénérationnel. Jasmine s’appuie aussi sur son travail de recherche pour publier des tribunes dans les médias (et notamment dans les Echos). Cette approche du marketing de la preuve, que l’on a vue utilisée par Moka.care dans un précédent épisode, est en effet un outil très puissant pour gagner en légitimité et en visibilité quand on lance un nouveau projet.

 

Créer un réseau d’alliés sans diluer son message et son identité

 

Mais attention à bien s’assurer que ce réseau d’alliés soit aligné avec nos valeurs et nos objectifs. Et surtout, à ce que la relation que l’on noue avec eux soit réciproque ! En effet, Jasmine déconseille de rester dans la posture déséquilibrée qui naît logiquement d’un partenariat avec une entité qui a plus de pouvoir. Pour en sortir, il faut utiliser les armes, leviers et actifs que l’on a à sa disposition, et rendre la pareille. 

Pour créer un partenariat durable, il faut aussi être clair dans ses intentions. Chaque allié aura son propre agenda : à vous de le décrypter et de jouer avec. Jasmine nous invite aussi à faire preuve d’humilité et de générosité. Prenez le temps de remercier ceux qui vous ont aidé, et de leur montrer l’impact qu’ils ont eu sur votre trajectoire personnelle ou professionnelle. Il faut aussi veiller à ne pas être toujours dans la demande, et à ne pas s’éparpiller. Si ça n’accroche pas ou qu’on a l’impression de déranger, c’est que c’est certainement le cas !

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