Pour ce nouvel épisode, on décrypte les rouages de la newsletter et de la ligne édito avec Dan Geiselhart. Dan est le co-créateur de TechTrash, une newsletter qui apporte un regard critique et impertinent – mais toujours avec une dose de bienveillance et d’humour – sur la startup nation.
Ensemble, on discute de son lancement et de la constitution d’une base de lecteurs ultra engagés. On parle aussi de la ligne édito qui a fait de TechTrash une référence dans ce secteur. Pour les créateurs et les marques qui souhaiteraient explorer ce format, l’article contient également des conseils actionnables. Continuez de lire ci-dessous ! 👇
En 2017, c’est parce qu’ils trouvent que le monde de la tech et des startups manque d’un regard critique sur lui-même, que Dan Geiselhart et Lauren Boudard co-créent TechTrash. Une initiative qui permet à ces deux passionnés de la tech de taper dans la fourmilière, sans avoir l’air trop aigris.
Dan et Lauren se tournent assez naturellement vers le format de la newsletter. Ce format est en effet intéressant et sa prise en main, beaucoup moins compliquée et exigeante que celle d’autres canaux. En tout cas, la newsletter est plus accessible que le magazine papier, auquel Dan s’est frotté dans une autre vie. Il alerte tout de même sur la nécessité de bien se préparer ! La newsletter nécessite tout de même un bon concept et une ligne édito unique.
Si TechTrash en est aujourd’hui à plus de 200 éditions et que ses co-fondateurs sont désormais connus, la newsletter reste confidentielle et anonyme pendant ses premières années. Pour trouver de nouveaux inscrits, elle bénéficie principalement du bouche à oreille de ses premiers abonnés, qui l’envoient à toute leur liste de contacts. Une pratique pas très RGPD-friendly, mais qui permet de faire connaître TechTrash et de commencer à fédérer une petite fanbase sur Twitter.
Plutôt que de miser sur le personal branding, Dan & Lauren préfèrent rester dans l’ombre, tel des justiciers masqués (ou des trolls ?). Une stratégie éditoriale qui peut paraître contre-intuitive d’un point de vue marketing, mais qui devient rapidement un atout. Les lecteurs se demandent en effet qui est derrière TechTrash (en particulier les patrons des startups visées). Le mystère se crée, et la hype ne tarde pas à suivre.
La stratégie de contenu de TechTrash (comme beaucoup de ses processus d’ailleurs) restera longtemps, très largement artisanale. La newsletter peut toutefois se targuer de bénéficier d’une croissance organique, sans pub payante. Une méthode plus longue, certes, mais qui permet de créer une base ultra engagée. Les lecteurs écrivent et interagissent avec l’équipe, générant des retours précieux et des infos relayées dans les éditions suivantes.
Aujourd’hui, TechTrash fédère plus de 30,000 lecteurs. La newsletter a également un taux d’ouverture qui dépasse systématiquement les 50 %, un chiffre énorme à l’heure de la surcharge informationnelle !
Ce qui fait la force de la newsletter TechTrash, et lui permet de se démarquer dans l’océan de newsletters, c’est sa ligne édito facilement reconnaissable. On reconnaît immédiatement son ton impertinent, revendiqué néo-punk. Les codes des médias traditionnels sont détournés avec humour. Les bons plans hebdomadaires que l’on retrouve systématiquement dans les magazines se transforment par exemple en une catégorie baptisée “l’innovation inutile de la semaine.”
Mais le contenu est aussi très cadré, et le lecteur peut retrouver dans chaque numéro les mêmes rubriques. Ma favorite est personnellement la “Bullshit quote de la semaine”. TechTrash y épingle le discours d’un dirigeant de la tech qui frôle l’absurde, ou révèle ses contradictions.
Au-delà de son contenu très calibré, TechTrash a également bien pensé sa charte graphique. La newsletter détourne par exemple le logo de Techcrunch (véritable bible des startups) en le remplaçant par une petite poubelle pour le côté trash. Progressivement, le design de la newsletter a néanmoins évolué vers quelque chose de plus sobre. Avec la création d’un studio et le lancement d’une nouvelle newsletter (Climax), Dan souhaitait créer un univers facile à identifier et répliquer.
Au-delà des rubriques humoristiques, TechTrash traite de nombreux sujets de fond. La newsletter décrypte ainsi des sujets complexes comme le métavers ou l’intelligence artificielle, en allant au-delà des traitements superficiels et de l’effet de mode. Une approche éditoriale qui suppose un vrai travail de veille, ainsi qu’un engagement de longue haleine.
Pour offrir un contenu aussi riche, et surtout si minutieusement documenté, Dan nous explique qu’il faut avoir les yeux partout. Il multiplie ainsi les sources d’inspiration, allant piocher des infos sur Twitter ou auprès de médias comme History of the Web et Rest of The World. Un bel éclectisme, qui lui permet de sortir de sa bulle informationnelle et de traiter les sujets de la tech avec plus de recul.
Car chaque sujet traité dans TechTrash adopte un angle de lecture surprenant. Une thématique en appelle une autre, créant des ponts invisibles auxquels le lecteur n’a pas forcément pensé. Là encore, le travail d’idéation et d’écriture est réalisé de manière chaotique, à partir d’un Google Doc. Un véritable labyrinthe informationnel, dans lequel Dan et Lauren s’orientent à 4 mains (plus quelques collaborateurs extérieurs).
Chez TechTrash, il n’y a pas de question d’égo. Dan peut démarrer un article, sur lequel repassera voir que terminera Lauren. Cette philosophie teintée d’intelligence collective permet de garder un regard frais et moins sur la techno et les startups.
Ayant été beaucoup sollicités pour accompagner d’autres projets, voire produire de nouvelles newsletter pour des entreprises, TechTrash s’est lancé dans la création d’un studio indépendant en 2021, Courriel. Ce dernier a depuis à son actif une nouvelle newsletter dédiée à l’urgence climatique : Climax.
Si beaucoup de studios de podcast se sont lancés ces dernières années, l’équivalent pour le format de la newsletter surprend plus. Une surprise qui permet là encore à l’équipe de TechTrash de générer des contacts. S’il ambitionne d’accompagner les marques, ce studio ne veut pas faire du marketing basique ni de l’autopromo. Il souhaite plutôt créer de véritables médias. Une volonté en cohérence avec le mouvement actuel que l’on peut observer dans la création de contenu. Les marques se concentrent en effet plus sur la qualité et l’intégrité de leur ligne édito. Exit le marketing générique, bonjour le marketing responsable et le storytelling de marque !
À une époque où les entreprises comme les créateurs ont des difficultés à émerger dans le bruit ambiant, la newsletter reste un canal ultra pertinent. Elle permet notamment de sortir des canaux habituels (notamment les réseaux sociaux) et de se détacher du diktat de ses algorithmes.
En arrivant directement dans la boîte mail de ses lecteurs, la newsletter crée également un lien plus intime que le feed d’un réseau. Autre avantage : elle coupe la chique des trolls.
Prêt.e à lancer votre newsletter ? Les taux d’engagement de TechTrash pourraient rendre jaloux n’importe quelle marque. L’une des raisons de ce succès, c’est l’attention portée sur la qualité du contenu partagé dans chaque édition. Comme l’explique Dan, les marques qui deviennent de véritables médias et créent de la valeur informationnelle pour leurs audiences sont celles qui ont compris que désormais, il faut créer un lien et une vraie intimité avec leurs lecteurs.