#80 – Les leviers de l’engagement communautaire, avec Hugo Paul

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Dans le dernier épisode du podcast, cap sur le sujet des communautés avec Hugo Paul, explorateur et créateur du projet Into the Tribes ! Cette exploration d’un an vise à rencontrer les communautés apprenantes du monde, afin d’accélérer la transition écologique et sociale. 

 

Avec Hugo, on discute de la mise en œuvre d’un projet d’exploration aussi conséquent. Il nous partage aussi ses enseignements tirés de l’observation de communautés aussi diverses et variées que passionnantes !

 

La communauté comme levier de transformation personnelle et sociétale

 

Hugo grandit à Lilles, et après des études d’ingénieur et un diplôme décroché en 2022, il décide de se lancer directement dans le grand bain des communautés. Si son parcours académique est assez anecdotique dans ce choix, il a surtout été motivé par son engagement au sein d‘organisations militant pour la transition écologique et sociale. Dans le cadre de son engagement, Hugo a également participé à la réflexion autour des leviers de transformation de l’éducation supérieure et a ainsi pu constater en direct la puissance des communautés dans ce type de projet. 

 

Pour lui, il s’agit du levier le plus efficace pour transformer les individus comme les sociétés.  

 

Hugo a donc voulu comprendre comment se cultive une communauté. Car il réalise rapidement à travers ses expériences que si cet écosystème est ultra puissant, il est aussi très fragile. Beaucoup de communautés s’essoufflent – d’où l’enjeu de créer et de maintenir de l’engagement sur le long terme. En échangeant avec des animateurs, il identifie l’apprentissage comme un levier efficace pour atteindre cet objectif. Les premières graines du projet Into the Tribes sont plantées.

 

Into the Tribes : explorer les secrets des communautés apprenantes 

 

Les communautés apprenantes deviennent donc le point de focalisation d’Hugo. Il décide d’organiser une exploration pour découvrir leurs secrets et comprendre comment on apprend au sein des communautés. C’est la genèse du projet Into the tribes, qu’Hugo décompose en 3 axes (vous verrez, il est fan des triptyques) ; 

 

  • Explorer : en s’immergeant dans des communautés partout en Europe pour comprendre comment elles apprennent ensemble ; 
  • Essaimer : en partageant les outils découverts lors de son exploration aux acteurs de la transition écologique ;
  • Cultiver : en passant par le récit pour ne pas perdre le pouvoir transformateur de ses outils. 

 

En s’appuyant sur ces piliers éditoriaux, Hugo crée un véritable média autour de son projet d’exploration. Il rédige notamment une newsletter qui relate ses aventures et partage ses réflexions menées au cours de l’exploration. 

 

Il planche aussi sur un livre, pour retracer son expérience et ses découvertes. Peu fan des réseaux sociaux, il chronique tout de même son projet sur LinkedIn

 

Structurer et marketer son projet d’exploration

 

À travers l’aventure Into The Tribes, Hugo veut ouvrir des portes à son audience, les inspirer, et pourquoi pas leur donner envie de collaborer. En effet, plus il apprend, plus il a envie de partager. Reste à savoir via quels canaux et quels types de contenu le faire. 

 

Pour ne pas perdre de temps à adopter les codes des réseaux sociaux qu’il n’utilise pas personnellement, Hugo décide de se tourner vers l’écriture. Il se découvre une véritable passion pour ce médium, qui résonne aussi auprès de son audience. 

 

Sa newsletter, d’abord, est une véritable « safeplace » où il se sent plus libre de partager ses réflexions personnelles. Le format long est aussi plus aligné avec son sujet que le contenu très snackable, qui fonctionne sur les réseaux. 

 

En haut du « funnel » de découverte, on retrouve les réseaux sociaux dont LinkedIn, où Hugo publie régulièrement. Plus bas dans ce funnel, on retrouve un contenu conséquent et de qualité. La newsletter, par exemple, qui permet à Hugo d’aller plus loin dans sa réflexion et ses idées.

 

En fin de funnel, on retrouve le groupe WhatsApp qu’a créé Hugo pour Into The Tribes. Ce dernier fait office de mini-communauté, dans laquelle il peut partager ses expériences et créer du lien dans la durée. C’est aussi un bon levier marketing pour donner envie à son audience de continuer de consommer son contenu.

 

Quelle stratégie pour financer son projet d’exploration ?

 

Une expédition d’un an, ça ne se finance pas tout seul. Hugo s’est appuyé sur le crowdfunding et le mécénat, mais il monétise également son exploration en réalisant des missions pour les entreprises que ses apprentissages communautaires intéressent. Il leur apporte ainsi du contenu sous forme d’articles ou de conférences. 

 

Ce format ultra qualitatif, mais aussi plus conséquent que n’en pourraient l’être des posts sponsorisés, de l’affiliation ou du marketing publicitaires, permet à Hugo de faire rayonner son expertise et de vendre des prestations plus valorisantes. En misant sur le long terme, il peut surtout se focaliser entièrement sur son expérience. 

 

Si le sujet vous intéresse, je vous invite à découvrir l’interview de Samuel Durand, à l’origine des documentaires Work in Progress, qui a partagé les coulisses de ses projets au micro de The Storyline ! 

 

Comment passer de l’exploration à des enseignements à partager ?

 

Pour créer un contenu impactant et didactique, Hugo procède encore une fois en 3 étapes : 

 

  • Phase  1 : s’immerger et s’imprégner de ce qu’il observe ;
  • Phase 2 : théoriser. Hugo se pose pour voir comment il peut relier ce qu’il a vécu sur le terrain avec d’autres théories. Cela lui permet de confirmer ses intuitions en les confrontant à des experts ;
  • Phase 3 : apprendre entre pairs. Il prend finalement le temps de parler avec une personne qui l’inspire pour confronter ses idées avec sa vision. Ces échanges lui permettent de débloquer de nouveaux axes de réflexions et de limiter ses biais. 

 

J’aime beaucoup cette approche qui consiste à challenger ses idées auprès de personnes qui l’inspirent. Ce n’est pas simple à mettre en place (les gens n’ayant pas toujours le temps). Mais Hugo a toujours mis un point d’honneur à vivre des expériences avec d’autres personnes dans une perspective d’apprentissage et de transformation. 

 

Il reprend ici les enseignements de The art of gathering”, l’ouvrage de Priya Parker, qui explique notamment qu’entre avoir trois fois deux heures et une fois six heures avec une personne, la seconde option est la plus pertinente. Passé deux heures, on peut creuser des sujets plus intenses et profonds et créer un lien authentique avec la personne. 

 

Diversifier les expériences communautaires 

 

Pour maximiser son apprentissage, Hugo a également misé sur la diversité des communautés dans lesquelles il s’est immergé. L’objectif étant de découvrir de nouvelles cultures, il a structuré son expédition en… 3 chapitres (encore le fameux triptyque) !

 

  • #1 : retour aux sources. L’objectif : comprendre ce que les communautés millénaires ont à nous apprendre ;
  • #2 : au-delà des frontières. Hugo va ici creuser toutes les innovations pédagogiques et communautaires qui se font en dehors de l’école. Il a par exemple participé à un workshop sur un paquebot réunissant des chefs d’entreprises, jeunes engagés et experts du Giec pour transformer les entreprises ;
  • #3 : former pour demain. Il s’intéresse aux écoles alternatives pour se former aux enjeux de la transition écologique et sociale. Pour ce chapitre, Hugo compte s’immerger au sein d’une école dans la forêt en Espagne. 

 

Tout au long de son exploration, Hugo multiplie donc les expériences atypiques.

 

Il a par exemple passé un mois dans un monastère sur une île du sud de la France. Il a aussi participé à une retraite silencieuse dans une communauté bouddhiste pour découvrir comment créer une culture commune à travers une expérience transcendante. Autre expérience hors du commun : une immersion dans la communauté Sami, le dernier peuple autochtone d’Europe pour comprendre comment ces derniers ont réussi à préserver leur culture malgré les politiques d’assimilation. 

 

Les entreprises sont-elles des communautés comme les autres ?

 

Si ces sujets sont essentiels d’un point de vue individuel et sociétal, ils sont aussi de plus en plus importants pour les entreprises. Elles s’en emparent d’ailleurs déjà à travers leur politique de RSE ou leur raison d’être. Hugo s’est ainsi questionné sur la place de la stratégie communautaire, surtout apprenante, dans celle des entreprises. 

 

Son verdict : une entreprise c’est une communauté. On y passe des milliers d’heures dans notre vie. Alors comment faire de ce temps collectif un moment transformateur pour la personne et la communauté ? Pour Hugo, les communautés apprenantes peuvent être un excellent levier pour former ses employés « from scratch » et se préparer aux enjeux de demain. Reste à savoir si l’environnement de l’entreprise permet aux communautés de se développer de manière organique et surtout durable. 

 

Les ingrédients du succès d’une communauté

 

Après s’être immergé dans autant de communautés inspirantes, Hugo en a dégagé plusieurs ingrédients pour favoriser leur longévité et dynamisme. 

 

Le premier peut surprendre, mais il consiste à établir des frontières claires entre sa communauté et l’extérieur. En gros, on n’entre pas dans une communauté comme dans un moulin. Les nouveaux membres peuvent en effet déstabiliser l’équilibre. Pour autant, il est important de créer des espaces d’échange avec le monde extérieur. 

 

Pour illustrer ce conseil, Hugo prend ainsi l’exemple du monastère. Il est impossible pour les non-membres d’entrer dans le cloître. Mais la communauté organise des évènements où tout le monde peut venir. Cela permet de ne pas s’enfermer, mais nécessite un processus réflexif pour trouver le bon équilibre et intégrer les inputs extérieurs. 

 

Le second ingrédient est le pouvoir d’agir (ou « agency »). Les membres d’une communauté doivent avoir la sensation qu’ils participent activement à son développement. C’est très important, mais aussi un vrai casse tête pour les Community Builders

 

Cela nécessite de bien connaître ses membres et de passer du temps individuellement avec chacun. Hugo prend l’exemple du Bruit qui court, une communauté qui favorise l’engagement à travers l’art. Elle a ainsi créé des petits jardins pour que les membres puissent partager leur expérience et aider les nouveaux arrivants à trouver leur place. 

 

J’ai beaucoup aimé la vision d’Hugo des leviers d’engagement communautaire. Et surtout l’idée qui consiste à créer les conditions pour chacun de trouver sa capacité d’agir (ou agency). Autrement dit de trouver sa place et son rôle au sein de la communauté. A vous de jouer pour trouver les leviers qui aideront les membres de la vôtre à s’y engager. 

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