#77 – Éduquer les nouvelles générations à l’information, avec Bertrand Giffon

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Aujourd’hui, on décortique dans The Storyline le sujet de l’information et de son avenir plutôt mouvementé ! J’ai eu le plaisir d’échanger sur le sujet avec Bertrand Giffon, fondateur de Be My Media, une application mobile spécialisée dans l’information et l’éducation aux médias. 

 

Avec Bertrand, on fait un tour de la relation ambiguë que nous avons tous avec l’information. Ensemble, nous discutons de l’importance de développer son sens critique et d’exercer son libre arbitre dans un monde semée d’embûches comme les deep fakes et les campagnes de désinformation. 

 

Nous parlons aussi de la responsabilité des marketeux et des communicants vis-à -vis de l’information qu’ils créent et diffusent. 

 

Éduquer à l’information pour mieux comprendre le monde qui nous entoure

 

Avant de se lancer dans l’éducation aux médias, Bertrand a eu une première vie professionnelle complètement différente. Il a en effet évolué dans le milieu de la construction et de la décoration d’intérieur ! À 15 ans, il intègre les Compagnons du Devoir. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il est sensibilisé au sujet de l’information et de son partage… 

 

Chez les compagnons, les anciens avaient l’habitude de rendre visite aux nouveaux, munis des journaux, pour organiser des débats d’actualité avec les jeunes générations. Une pratique qui lui a montré l’importance du débat et du développement d’un esprit critique. Les fondations de Be My Média étaient posées (sans qu’il le sache) !

 

Mais plus de 10 ans après le passage de Bertrand chez les Compagnons, le monde de l’information a bien changé. Il prend conscience de l’importance des réseaux sociaux sur notre intégration de l’information et notre compréhension du monde environnant. 

 

Bertrand s’inquiète notamment de l’effet de captation de l’attention des plateformes numériques. Leur modèle économique repose en effet sur une logique de rétention des utilisateurs. Pour cela, elles orientent le contenu proposé par le biais d’algorithmes qui favorisent le divertissement et créent des chambres d’écho. 

 

Concrètement, cela veut dire qu’après avoir analysé le comportement des internautes, elles leur proposent un contenu qui les conforte dans leur opinion – et uniquement ce type de contenu. On parle aussi de bulle de filtre, soit le fait de n’être exposé qu’à un type de contenu en raison précisément des algorithmes de recommandation. Une pratique inquiétante lorsque l’on sait que sur YouTube, 70 % des vidéos visionnées sont recommandées par l’algorithme !

 

D’autres tendances influencent elles aussi la manière dont nous traitons l’information. On pense par exemple à l’IA, aux deep fakes, etc. La limite entre le réel et le virtuel semble de plus en plus floue. Idem pour l’intégrité des personnes qui produisent le contenu. Alors, comment naviguer dans un monde où il devient quasiment impossible de tester la véracité d’une information ?

 

Faut-il avoir peur du grand méchant algo ?

 

Beaucoup pourront prétexter que les bulles de filtre ont toujours existé. Après tout, par exemple, être abonné à un seul journal, c’est aussi s’enfermer dans une ligne éditoriale et une vision du monde. Si l’on remonte encore plus loin, le seul accès à l’information des anciennes générations étaient les colporteurs. Des individus dont les pratiques s’apparentaient plus à de la propagande qu’à une réelle pluralité des opinions !

 

Doit-on en conclure que nos inquiétudes sont peut-être un peu exagérées ? Pour Bertrand, ce n’est pas tout à fait le cas. Chaque évolution, de l’imprimerie de Gutenberg à l’arrivée d’Internet, a entraîné une accélération de l’accès aux connaissances. Mais aujourd’hui, la vitesse à laquelle nous évoluons est telle que les effets secondaires de cette accélération sont potentiellement plus dangereux. 

 

Bertrand prend l’exemple des fake news. La loi de Brandolini stipule que nous mettons 7 fois plus de temps à démontrer qu’une information est fausse qu’à la diffuser. Les fake news sont donc d’autant plus dramatiques qu’elles sont extrêmement difficiles à déconstruire !

 

Si ce phénomène des fake news est aujourd’hui plus répandu aux Etats-Unis (comme on a pu le voir lors de l’attaque du Capitole), il ne devrait malheureusement pas tarder à l’être en France. Bertrand alerte également sur la concentration des médias. Une pratique bien française mais tout aussi dangereuse pour la liberté et la pluralité de l’information. 

 

L’éducation à l’information : un enjeu de développement durable

 

C’est dans ce contexte pas toujours très joyeux que Bertrand a eu envie d’apporter sa pierre à l’édifice informationnel. L’éducation à l’information fait en effet partie des piliers des objectifs du développement durable de l’ONU

 

L’organisation internationale reconnaît l’importance de soft skills comme la curiosité et le sens critique. Des compétences qui sont directement en lien avec l’éducation aux médias. Idem pour la literacy, soit l’aptitude à intégrer l’information écrite dans notre vie courante (au travail comme dans la collectivité). L’éducation à l’information (comprendre les biais algorithmiques, savoir sourcer une information scientifique) est aussi un des enjeux du développement numérique. Bref – dans le monde d’aujourd’hui, savoir identifier, analyser et interpréter l’information est essentiel ! 

 

Alors, pour former la jeune génération à ces compétences cruciales, Be My Média a créé plusieurs parcours d’e-learning. Ces derniers évoluent en fonction de l’âge des élèves, de l’enseignement secondaire au supérieur. Ils se concentrent sur 5 piliers : 

 

  • Savoir faire la différence entre une opinion et un fait ; 
  • Apprendre à différencier les sources d’information selon leur intégrité ;
  • Comprendre que l’information est un enjeu dans notre démocratie ; 
  • Comprendre le fonctionnement de la désinformation, notamment numérique ;  
  • Détricoter les biais des médias, mais aussi nos propres biais cognitifs. 

 

En plus de la formation théorique, Bertrand rappelle l’importance de pratiquer l’information pour qu’elle devienne une habitude. Face à des jeunes générations qui font plus confiance aux créateurs qu’aux journalistes, la clé est pour lui de les amener à douter. Be My Media leur permet de comprendre que l’information ne passe pas que par la vidéo, et que les débats d’idées sont très importants. 

 

Les ingrédients d’un régime informationnel sain 

 

L’enjeu pour les jeunes générations est aussi d’apprendre à différencier un média indépendant et intègre de créateurs de contenu à but lucratif. Bertrand nous rappelle en effet que, de tous temps, presse et publicité ont entretenu une relation ambiguë. Mais aujourd’hui, on voit beaucoup plus de contenu sponsorisé, qui brouille grandement les lignes entre information et publicité. 

 

Exemple parfait de ce phénomène : la star d’Instagram Hugo Décrypte, suivi par plus de 3 millions de jeunes. Ce dernier, qui peut être classé dans la catégorie des créateurs de contenu les plus intègres, a pourtant été retoqué au conseil déontologique des journalistes en raison de son modèle économique.

 

La question se pose donc : comment s’y prendre pour avoir une consommation responsable et saine de l’information ?

 

Pour assainir son régime informationnel, Bertrand nous conseille de : 

 

  • Sacraliser le temps de l’information, pour ne plus le confondre avec une parenthèse de divertissement ;
  • Organiser et hiérarchiser sa pratique de l’information. L’idée, c’est de ne pas tomber dans l’infobésité en établissant des priorités entre les supports et les sujets traités ;
  • Trouver des sources en lesquelles on a confiance.

 

La même démarche est également cruciale pour les créateurs de contenu. Si nous n’avons pas tous vocation à devenir des journalistes professionnels, nous pouvons quand même repenser nos pratiques pour créer un contenu plus responsable. 

 

Pour cela, Bertrand nous invite à toujours apporter de la valeur. On peut par exemple inviter des experts pour donner de l’information concrète à son audience. Les personnes intéressées prolongeront naturellement la relation avec le créateur ou la marque. L’objectif n’est donc pas tant de se faire connaître, mais d’établir de la confiance, en mettant en avant ses valeurs et sa valeur !

C’est le moto de Be My Media, dont la mission d’éducation à l’information est au cœur de chacune de ses actions.

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