Vous avez toujours rêvé de découvrir les coulisses du métier de journaliste ? On vous embarque dans les bureaux des Échos à la rencontre de Charlie Perreau ! Charlie est Cheffe du service Start-up. Dans une interview accordée au podcast The Storyline, elle revient sur son parcours et les dessous de la rédaction d’un grand quotidien d’information français.
Charlie explique également les responsabilités de son métier de journaliste et cheffe de service, ainsi que sa vision du futur des médias et du journalisme.
La toute jeune cheffe du service Start-up des Echos (Charlie a seulement 31 ans) a commencé par une licence d’éco avant de se plonger dans le métier de journaliste.. Après le bac, elle intègre la prestigieuse ESJ (École Supérieure de Journalisme) de Lille en alternance (pour financer ses études). À l’époque, elle trouve du travail via Twitter et rejoint Alliancy le Mag, qui traite essentiellement de la transition digitale.
Elle y monte la rubrique Start-up, puis continue son aventure journalistique au JDN (le fleuron tech du Figaro). Charlie y couvre essentiellement les sujets liés à la fintech et aux crypto, au moment où ces thématiques explosent.
Puis, contactée par le service Start-up des Echos, elle y entre via le métier de journaliste également, en pleine pandémie. Son chef quitte le service quelques mois plus tard et malgré un syndrome de l’imposteur, Charlie postule pour le remplacer et est nommée en mai 2022. Depuis, elle dirige une équipe de 3 personnes qui couvre les sujets liés à l’entrepreneuriat et aux startups.
Si la plupart des chefs de service n’écrivent plus, ce n’est pas le cas de Charlie. Du fait de la taille de son service, elle continue de rédiger un papier par jour ! Elle passe aussi beaucoup de son temps à chercher de nouveaux sujets, encadrer son équipe et faire des aller-retours sur la maquette de sa rubrique.
Charlie n’a pas de journée type, mais elle nous partage tout de même le fil rouge de son quotidien de cheffe de service.
Sa journée commence très tôt par un travail de veille (tourné notamment vers ce qui s’est passé dans la nuit aux États-Unis). Elle rédige ensuite la newsletter quotidienne de son service et enchaîne avec un café partagé avec un acteur de l’écosystème startup (un fondateur, avocat, investisseur,etc.). Charlie se pousse d’ailleurs à rencontrer plus de femmes (au moins deux fois par semaine) pour élargir les frontières d’un milieu très masculin.
Le reste de sa matinée est dédiée à une interview. Comme peu de journalistes sont spécialisés sur le sujet des startups, Charlie arrive à être en avance sur de nombreuses infos exclusives, à anticiper les grandes annonces…
Dans l’après-midi, elle gère les relations avec les correspondants (en région et à l’étranger). Mais aussi toutes les tâches de représentation (comme l’enregistrement de ce podcast) qui font désormais partie du quotidien des journalistes et lui permettent de créer de nouvelles synergies.
Le management fait aussi partie de sa casquette de cheffe de service. Avec une petite équipe comme la sienne, les échanges sont néanmoins très fluides, et le partage du travail se fait naturellement.
Pour décider des sujets à traiter et les répartir, Charlie organise une fois par semaine un point éditorial. Très loin des stand up meetings, ces derniers durent souvent moins d’une heure avec son équipe. Elle échappe aussi (et gagne du temps sur ses journées bien remplies) aux conférences de rédaction quotidiennes des Echos, en envoyant ses sujets à son rédacteur en chef qui les partage à sa place.
Parmi les décisions qui sont prises lors de ces points, il y a le sujet des embargos (ces informations qui sont partagées en amont mais que l’on ne peut pas encore divulguer). Ils permettent à Charlie de s’organiser, et de savoir quand elle doit garder une place dans sa rubrique.
Pour faciliter le partage des sujets, Charlie a également tenu à ce que chacun de ses journalistes se spécialise. Elle se dédie naturellement à la fintech, son thème de prédilection. Adrien, de son côté, traite des nouvelles mobilités et de la foodtech tandis que Camille se dédie à l’immobilier et à l’impact.
Beaucoup d’entreprises qui veulent se faire connaître sont trop souvent “lourdes” lorsqu‘elles font des relations publiques et contactent les journalistes. Ou, au contraire, elles n’osent pas se lancer par peur d’essuyer un refus. Charlie nous partage la bonne approche pour être dans leurs petits papiers…
La première étape, c’est de cibler le bon interlocuteur. Vous pouvez commencer vos recherches sur Twitter (où sont presque tous les journalistes, malgré les récentes évolutions de la plateforme depuis le rachat d’Elon Musk), mais aussi sur LinkedIn. Autre méthode : solliciter son réseau.
Ensuite, il suffit d’envoyer un message privé et de continuer les échanges par email. Là encore, on soigne son targeting avec un message bien pensé. L’idée, c’est de partager en trois lignes son actualité, et donc de donner envie au journaliste de parler de nous (tout en lui mâchant un peu le travail).
Charlie parle dans le podcast de la place toujours plus importante des réseaux sociaux dans le métier de journaliste. Elle-même a énormément investi la notion d’engagement de son audience et de création d’une communauté (capitalisant plusieurs dizaines de milliers d’abonnés sur LinkedIn et Twitter). Depuis, son personal branding sur LinkedIn lui permet de toucher une vaste part de son audience cible !
Tout commence il y a deux ans, lorsque Charlie décide de poster 2 à 3 fois par jour. Elle partage à chaque fois une information ou actualité en trois points à retenir. Surtout, elle varie ses sources et ne redirige pas nécessairement vers des articles des Echos.
La sauce commence à prendre sur LinkedIn et Twitter. Son format décontracté, qui fourmille d’emojis, associé à un contenu très factuel, devient une référence pour ceux et celles qui veulent se simplifier le travail de veille sur le sujet des startups.
Charlie reproduit l’exploit avec son poste hebdomadaire dédié à une fondatrice. Depuis, elle est souvent sollicitée non pas pour un papier dans les Echos, mais pour ses prises de parole sur les réseaux sociaux. Un cercle vertueux qui lui permet de découvrir de nouveaux acteurs, de consolider son personal branding, mais aussi de ramener des lecteurs vers les Echos.
De manière générale, les journalistes sont invités par les médias à prendre de plus en plus de place, notamment sur les réseaux sociaux. Certaines publications forment même leurs équipes à mieux utiliser ces canaux pour y mettre en valeur leur travail. Cette stratégie, qui consiste de plus en plus à incarner les publications, est payante dans un contexte de concurrence exacerbée et d’émergence de la figure du créateur de contenu.
Mais elle s’inscrit aussi dans la mouvance qui voit les journalistes quitter les grandes publications pour monétiser leur contenu et leur communauté. De là à se demander si l’individu ne s’imposerait pas un peu trop, au détriment des médias. Pour Charlie, qui aimerait pourtant voir disparaître les signatures des publications, cette transformation permet aussi de sortir de la logique top down, de créer de la confiance et de la légitimité vis-à-vis du média.
Elle apprécie également l’émergence de nouvelles figures, comme celle du journaliste nouvelle génération Hugo Décrypte. Ce n’est désormais plus le journaliste qui quitte le média pour créer son propre canal de communication, mais l’individu qui se fait connaître sur les réseaux avant de créer son média.
Pour Charlie, le métier reste le même… Il est juste exécuté différemment. Dans le cas d’Hugo Décrypte, ce dernier ne cherche par exemple pas de l’information exclusive, mais la restitue plutôt de manière originale sur Instagram, sous un format plus digeste pour la Gen Z. Un pari qui permet de toucher une cible réticente aux médias traditionnels, et qui pousse ces derniers à travailler d’autres formats (notamment vidéo).
Ces derniers temps, on parle beaucoup de l’impact des nouvelles technologies sur le journalisme. Pourtant, Charlie ne s’inquiète pas vraiment de l’arrivée (ou plutôt de l’installation) de l’intelligence artificielle. Même si elle est impressionnée par les progrès de l’IA (notamment ceux de la GenAI), elle ne pense pas qu’elle puisse remplacer la plume et le travail d’investigation des journalistes.
Elle nuance également l’évolution du business model des médias. Les Echos, qui viennent de fêter leurs 100K abonnés, continuent de tirer une grande partie de leurs revenus des annonceurs (en particulier sur le format papier).
Mais le futur verra néanmoins le développement de nouveaux formats (en particulier sur le web) et une place toujours plus grande de la data dans le journalisme. Charlie réfléchit également de plus en plus en termes de bundle (en couplant l’abonnement avec un accès privilégié à des events) pour créer de la valeur autre que le contenu à travers un marketing coopératif.
Plus globalement, les médias devront penser en termes de communauté. L’accélérateur des Echos a ainsi accompagné la newsletter Snowball, dont le ton décalé et l’interaction avec son audience est pour elle le futur des publications traditionnelles.