#31 – Mettre l’Intelligence Artificielle au service de la créativité humaine

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Dans cet épisode de The Storyline, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Benoit Raphael, le créateur de la startup Flint. Flint, c’est un petit robot curateur de contenu qui repose sur l’Intelligence Artificielle. En fonction de leurs comportements, l’outil adapte ses suggestions, pour conseiller à ses utilisateurs des contenus sur mesure, adaptés leurs intérêts. 

 

Convaincu que nous avons tous quelque chose à dire, et qu’il est dangereux de laisser la parole à une petite minorité, Benoit a choisi de débuter sa carrière en tant que journaliste. Dans ses projets (dont la création en 2007 du média participatif Lepost.fr), il a toujours eu pour mission de favoriser l’intelligence collective. Et de donner à chacun les clés pour mieux penser le monde. 

 

Conscient de la fatigue et la frustration qui peuvent émerger de la surexposition à l’information, il crée Flint en 2017. Personnellement, j’utilise Flint depuis maintenant plus d’un an et j’en suis absolument fan.  Je me sers d’ailleurs régulièrement des articles que cet outil me permet de découvrir pour alimenter mes newsletters. J’étais donc très heureuse de pouvoir en parler plus en détail avec son créateur.

 

Avec Benoît Raphaël, on a discuté dans l’épisode de fatigue informationnelle et de polarisation des opinions. Mais aussi, de l’intérêt d’utiliser l’IA et le machine learning pour combattre ce mal du siècle. On en profite également pour creuser le sujet de la place grandissante des robots dans la création de contenu.  Et comment s’interroge ensemble sur comment se réapproprier notre rapport à l’information. Bref, un sacré programme pour cet épisode ! 

 

News Fatigue et polarisation des opinions : comment sortir de notre bulle informationnelle ?

 

Avez-vous déjà entendu le terme de News Fatigue

 

Il désigne une réalité bien tangible : 3 à 7 % de la population mondiale ne regarde en effet plus les informations. Elles sont en effet souvent jugées trop stressantes, ou leur véracité est jugée comme trop complexe à vérifier. Un chiffre qui permet d’ailleurs de comprendre pourquoi la crise sanitaire que nous avons traversé, et que nous traversons encore, soit aussi une crise informationnelle.   

 

Sans accuser Internet de tous les maux, et en comprenant que la multitude des voix qui s’expriment en ligne est aussi une richesse, Flint a été pensé comme un outil pour lutter contre cette fatigue informationnelle. L’enjeu était en effet de pouvoir proposer des recommandations d’articles qui ne reposent pas uniquement sur le buzz. Mais qui apportent une réelle valeur ajoutée aux lecteurs en fonction de leur définition, forcément personnelle, de ce qu’est une information de qualité. 

 

L’enjeu était également de personnaliser cette curation de contenu, sans pour autant la polariser. Flint va en effet apprendre au contact de chaque utilisateur pour déterminer de manière plus précise ce qui l’intéresse. Mais aussi lui proposer un contenu plus éloigné de ses habitudes, pour le sortir de sa bulle informationnelle. 

Un branding ludique pour dédiaboliser l’usage de l’IA dans le journalisme 

 

Ce qui m’a tout de suite marquée lorsque j’ai commencé à utiliser Flint, c’est le branding. L’outil est en effet personnifié par un petit robot à l’air innocent et joueur. Un ambassadeur qui n’a pas été choisi par hasard, puisqu’il contribue selon Benoit à dédiaboliser l’intelligence artificielle dans l’inconscient de ses utilisateurs. ’utilisation de l’IA étant encore très décriée dans le secteur de l’information. 

 

Pour beaucoup d’entre nous, la manipulation et la désinformation sont en effet imputables à l’entrée des machines dans les processus de création de contenu. Mais aussi dans les actions de curation, notamment sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche qui ont pour principal but de prolonger notre engagement. Et pas forcément de nous proposer des contenus de qualité… 

 

Afin de contrer ce scepticisme dont nous faisons preuve face à l’utilisation de l’IA, Benoit a travaillé son storytelling. Et il insiste sur la pertinence d’opposer une machine à la machine pour lutter contre la désinformation, un peu comme Alan Turing face à Enigma. Il insiste dans l’entretien sur l’importance de donner à cette machine, qui s’oppose donc à l’algorithme des réseaux sociaux, une forme plus humaine. 

 

Cette personnification de Flint, son côté humanoïde rappelle également l’essence collaborative de l’outil. L’Intelligence Artificielle est en effet alimentée par les utilisateurs : c’est ce que l’on appelle l’entraînement par renforcement. 

Un contenu créé par des robots pour des robots : la question du libre arbitre 

 

Dans cet épisode de The Storyline, on s’est aussi beaucoup questionné sur notre libre arbitre face à la surcharge informationnelle

 

Pour Benoit Raphael, la première mission de Flint est ainsi d’aider chacun à reprendre le contrôle sur l’information. Un peu comme nous avons progressivement repris le contrôle sur notre alimentation, après les grands scandales de l’industrie agro-alimentaire. L’enjeu réside aussi dans notre capacité à déjouer les pièges que peut nous tendre notre propre cerveau. En particulier, le rush de dopamine que l’on reçoit après avoir consommé du sucre, ou lorsque nous sommes stimulés par de nouvelles informations. 

 

Dans un environnement où les trois quarts des articles publiés en ligne sont produits par des robots pour des robots, et où les grands groupes médiatiques misent sur une ligne éditoriale dramatique pour générer du clic, la saturation informationnelle semble une conséquence logique. Et la nécessité de réinjecter de l’humain dans la création et la curation de contenu une nécessité. 

 

C’est dans ce sens que l’on peut voir les algorithmes, capables de générer des articles entiers, comme une menace. Face à cette tentation du pire, Benoit Raphael veut cependant nous rappeler que notre rapport aux robots (et la peur, souvent irrationnelle, qu’ils nous remplacent) n’est jamais que le signal que nous devons remettre en cause notre travail. Et réfléchir à la valeur ajoutée des tâches que nous accomplissons au quotidien. 

 

Le projet de Benoit invite surtout à l’optimisme. Et à laisser le rapport de force entre des Intelligences Artificielles, comme GPT-3,  et les créateurs de contenu humains s’équilibrer de lui-même. Un peu à l’image de la voie que suit depuis plusieurs mois le journal le Monde, qui a décidé de produire moins de contenu, et engager plus de journalistes pour offrir plus de qualité à ses lecteurs. Une stratégie payante, puisqu’elle s’est traduite par une augmentation du nombre d’abonnements. Et donc du chiffre d’affaires !

 

Comment reprendre le pouvoir en tant que créateur et consommateur ?

 

L’Intelligence Artificielle, telle qu’elle se matérialise chez Flint, n’est donc pas là pour nous dire quoi faire. Mais plutôt, pour nous servir d’instrument et réaliser certaines tâches plus rapidement. Et aider les créateurs de contenus, en les affranchissant des tâches relativement automatiques qui n’apportent pas de réelle valeur ajoutée. 

 

Attention cependant à ne pas tomber dans l’écueil d’un excès d’optimisme. Si l’IA amènera certainement à la création de nouveaux métiers autour de la rédaction de contenus, il reste important de se montrer vigilant en ce qui concerne ses biais. Mais aussi d’entraîner nos cerveaux afin qu’ils s’adaptent à cette surcharge informationnelle ainsi qu’aux nouvelles technologies.  

 

Pour sortir de ces caisses de résonance d’idées, profondément limitantes, nous devons donc prendre en main notre rapport à l’information. Et travailler sur notre consommation, réfléchir à l’usage que nous en faisons. Sur ce dernier point, l’université de Genève vient d’ailleurs de lancer un MOOC pour travailler son esprit critique à l’ère informationnelle !

 

J’espère que cet épisode vous aura inspiré. Et surtout donné envie de passer à un mode de création et/ou de consommation de contenu qui soit plus actif et éclairé ! Pour reprendre le contrôle sur les informations dont nous nous nourrissons, Flint est un excellent outil qui nous permettra de cultiver notre sens critique ! Un esprit sain dans un corps sain, en somme…

 

Les références de l’épisode

Le profil Linkedin de Benoit

Le site de Flint

La définition de la news fatigue

L’aventure d’Alan Turing et d’Enigma

GPT-3, le modèle de langage d’OpenAI

Le MOOC de l’Université de Genève

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