#46 – Les Digital Native Vertical Brands, grandes gagnantes du e-commerce ?

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Dans un monde de plus en plus digital, les marques nées en ligne ont-elles plus de chance de tirer leur épingle du jeu ?  C’est en tout cas ce que semble démontrer le succès insolent des DNVB (pour Digital Native Vertical Brands). Un modèle de marques digitales, qui sont nées en ligne et révolutionnent le e-commerce. Et qui de mieux pour décortiquer leur modèle que Viviane Lipskier ? Experte du sujet, elle est aussi l’autrice du livre DNVB, les surdoués du commerce digital

 

Après plus de 15 ans de carrière dans les médias, Viviane a fondé Brandalchimy, un studio par le biais duquel elle conseille les entreprises dans leur stratégie d’hybridation. Ensemble, on discute dans l’épisode du podcast The Storyline, (disponible à l’écoute plus haut sur la page) du modèle des Digital Native Vertical Brands, ou DNVB. Viviane y dévoile notamment les avantages et risques pour les marques à opérer exclusivement sur des canaux digitaux. Dans cet article, vous découvrirez aussi les nouvelles tendances de consommation qui appellent aujourd’hui les marques à réinventer leur modèle…

 

Des chaînes de télé à l’innovation dans les DNVB : le parcours de Viviane Lipskier

 

Comment passe-t-on d’un cursus dans le droit et l’histoire de l’art à une carrière dans le conseil auprès des marques digitales ?

 

Pour Viviane, tout part d’une passion pour le storytelling. Après un passage express chez Radio France, elle passera 15 ans chez France Télévision. Elle y endosse toutes les casquettes, jusqu’à devenir adjointe de la direction de l’innovation du groupe. 

 

Elle décide pourtant de partir en 2015, période charnière à laquelle la télévision française (aussi bien publique que privée) peine justement à opérer son virage digital. Elle travaille ensuite pour une startup tech en tant que CEO, et découvre les méthodes d’innovation lean. D’où son envie d’apporter ces approches plus frugales et productives aux marques de mode. 

 

Ce sont justement ses réflexions sur la transformation des méthodes d’innovation, de financement et même de culture de marque qui l’amènent sur la piste des DNVB. Elle découvre alors le potentiel immense de ces entreprises nées sur les réseaux sociaux, qui concurrencent aujourd’hui les plus grandes marques…

 

Les DNVB : un modèle économique différenciant et efficace

 

Le premier sujet abordé avec Viviane concerne la définition de ce nouveau terme presque barbare, celui de DNVB. Qu’est-ce qui distingue les Digital Native Vertical Brands des marques traditionnelles ? Explications en 3 temps. 

 

Une approche omnicanale de la communication et de la vente

 

La première particularité des DNVB, c’est le fait d’être nées en ligne. Une essence digitale qui influence énormément la manière dont elles vont communiquer sur leur culture de marque, mais aussi vendre leurs produits. 

 

Cependant, ce n’est pas parce qu’elles se sont lancées sur Internet qu’elles vont forcément s’y cantonner. Au contraire des pure players qui font le choix de vendre uniquement sur leur e-shop (comme la société Vente Privée), les DNVB ne restent pas éternellement en ligne, et multiplient leurs canaux de distribution et de communication. 

 

Les exemples ne manquent pas pour illustrer ce passage du web au réel. C’est le cas de Sézane, qui propose ses créations non seulement sur son site, mais aussi dans plusieurs showrooms. Ces points de vente sont pensés pour refléter l’univers bien particulier de la marque. Ils ont même un petit nom : Sézane parle affectueusement dans toutes ses communications de ses “appartements”

 

On pense aussi à Seasonly, la marque de cosmétiques ‘clean’ lancée par l’ancienne fondatrice de My Little Paris. Après des débuts en ligne, elle a en effet essaimé ses studios à Paris, Lyon et Bruxelles. Des espaces pensés non seulement comme des vitrines physiques de la marque, mais aussi comme des lieux de détente. On peut encore citer Horace, qui propose des produits de soin à destination des hommes. Après les avoir distribués dans plusieurs concept stores en France, la marque a récemment ouvert sa première boutique dans le Marais

 

Une maîtrise de toute la chaîne de valeur

 

Le réel facteur de singularité des DNVB tient plutôt aux deux dernières lettres de son acronyme qu’aux deux premières. On les qualifie en effet de Vertical Brands parce qu’elles maîtrisent toute leur chaîne de valeur. Une maîtrise qui englobe à la fois la production et la distribution du produit. 

 

On parle aussi de désintermédiation, notamment dans la mode. En rupture avec le modèle traditionnel de fabrication d’un vêtement, qui peut faire intervenir jusqu’à 40 intermédiaires (si l’on prend l’exemple du jean), les Digital Native Vertical Brands optent pour un modèle plus direct, qui leur permet de maîtriser leurs coûts et d’éviter de rogner leur marge. Cette approche leur permet de suivre toute la chaîne de vie du produit. Ainsi, elles sont en mesure de garantir plus de traçabilité et de transparence. 

 

En écho avec les attentes des consommateurs, en particulier suite au scandale du Rana Plaza (l’effondrement d’une usine de production de vêtements au Bangladesh en 2013), les DNVB rompent avec l’opacité. Leur modèle est d’ailleurs désormais appliqué à presque tous les biens de consommation, de la joaillerie à l’épicerie. 

 

La désintermédiation ne veut pas pour autant dire la fin des intermédiaires. Les Digital Native Vertical Brands continuent de s’appuyer sur des réseaux de distributions partenaires. C’est le cas de Sézane, qui en plus de ses appartements est aussi disponible au Bon Marché. La logique est néanmoins différente, car ces partenariats ne lui permettent pas tant de faire du volume que de gagner en notoriété et visibilité. En ne présentant qu’un échantillon de ses collections, ces corners attirent plus de monde sur son site. Et boostent donc son potentiel de scalabilité !

 

Une manière différente d’aborder le marché

 

Aujourd’hui, on a tendance à qualifier toutes les nouvelles marques de DNVB tant il est impensable de ne pas communiquer ou vendre en ligne. Mais selon Viviane, seules celles ayant le potentiel de croître et durer dans le temps peuvent prétendre au titre. 

 

Contrairement aux grands groupes traditionnels, les DNVB ne se positionnent pas sur le mass market. Plutôt que de capter de grands marchés, elles vont se concentrer sur des niches de consommateurs, en répondant précisément à des besoins jusque-là ignorés (production locale, sourcing écologique, grandes et petites tailles…). 

 

Les Digital Native Vertical Brands opèrent également une rupture avec les logiques capitalistes, notamment l’obsolescence programmée. Elles s’orientent en général vers des pratiques de consommation durables et socialement engagées. 

 

Les forces et les faiblesses des Digital Native Vertical Brands (DNVB)

 

Le modèle des DNVB présente donc de nombreux avantages pour les marques. En plus d’être, potentiellement, plus vertueux, il est aussi plus simple à lancer et développer. Beaucoup d’outils existent aujourd’hui pour aider les entrepreneurs à monter une marque online rapidement, et surtout à moindre coût. 

 

Mais de cette force naît aussi une faiblesse intrinsèque. En raison précisément de l’absence de réelles barrières à l’entrée, les DNVB sont plus sujettes à la concurrence. Leur positionnement et leurs stratégies marketing finissent inéluctablement par attirer l’attention des grands groupes, tentés de les imiter. Là où des marques comme Sézane, Glossier, ou même Tediber étaient les premières sur leur secteur, elles se retrouvent aujourd’hui sur un marché saturé, dans lequel le consommateur est enseveli sous les choix. 

 

En l’absence de R&D ou d’une proposition de valeur réellement innovante, les DNVB auront donc des difficultés à se maintenir sur leur niche. Ou tout du moins à en rester les leaders… La saturation des informations sur leurs canaux marketing peut cependant se révéler vertueuse et les pousser Digital Native Vertical Brands être plus créatives…

 

Quel avenir pour les marques dans un marché sur-saturé ?

 

La saturation des marchés pousse donc les marques – de toutes tailles – à être plus créatives. Mais ce changement dans les attentes des consommateurs est en réalité beaucoup plus profond. Il pousse les DNVB (et leurs concurrentes) à se positionner sur une logique de croissance à taille humaine. Viviane l’observe dans l’accompagnement qu’elle apporte aux entrepreneurs via Brandalchimy. Beaucoup de ses clients ne veulent pas d’un projet qui les dépassent, et visent au contraire des objectifs plus humbles.

 

Une évolution qui va dans le sens des consommateurs, qui sont devenus de véritables détecteurs de mensonges. Ces derniers sentent désormais très rapidement lorsqu’une marque « bullshit » et n’est pas alignée avec ses valeurs. Comme par exemple celles qui s’engagent pour l’environnement, mais se lancent dans chaque nouvelle tendance marketing, aussi gourmande en énergie soit-elle (comme le métaverse ou les NFT 😰).  

 

Le futur des DNVB selon Viviane

 

Près de 4 ans après la parution de son livre, Viviane prépare sa mise à jour et s’interroge sur le futur des DNVB. Elle remarque plusieurs tendances fortes : 

 

  • 💎 Une maturation des DNVB, dont les fondateurs ne sont plus forcément les CEO actuels. Au moment de scaler (autrement dit, de passer sur un mode d’hypercroissance), des dissonances dans la culture d’entreprise ou de management peuvent pousser les marques à changer de tête pensante, pour rester alignées avec leurs valeurs.  
  • 👯‍♀️ Le bundling (couplage) des marques face aux difficultés à vendre un produit globalement. Les grands groupes ont en effet commencé à racheter les DNVB pour les mutualiser, et constituer des entités plus agiles.
  • 🙄 Le flop de la personnalisation. Au-delà de l’adoption relativement lente des technologies d’IA, la globalisation des goûts et des besoins rend la personnalisation presque obsolète. Les marques se concentrent plutôt sur une offre adaptée localement. Et qui parle à ses clients sur le plan de la culture et des valeurs. 
  • 🌱 Un attrait toujours plus important pour le care. Les marques qui se démarqueront sont celles qui miseront sur une offre synonyme de bien-être et de bon sens. 

 

Digital Native Vertical Brands : le modèle du futur ?

 

La plupart des marques sont aujourd’hui des DNVB, puisqu’il est devenu impensable de se lancer sans présence en ligne. Mais aussi, parce qu’il est beaucoup plus simple et moins coûteux de tester l’appétence de son marché via les canaux digitaux ! Et notamment les réseaux sociaux 👀

 

Mais comme le précise Viviane, ces dernières ne sont pas pour autant des pure players, vouées à rester 100% digitales. Au contraire, le modèle économique des Digital Native Vertical Brands consiste à tirer parti des leviers de croissance et de scalabilité offerts par le digital pour grandir vite et bien, tout en créant un lien privilégié avec son audience. Passé un point critique, elles pourront ensuite ouvrir des points de vente physiques, tout en créant une expérience unique pour leurs consommateurs. 

 

Cette notion d’expérience d’achat et d’univers de marque est aujourd’hui essentielle pour convaincre et fidéliser des consommateurs, toujours plus sollicités. Les DNVB l’ont bien compris et en ont fait un redoutable levier de différenciation par rapport à leurs concurrents. 

 

Les ressources de l’épisode :

 

Le profil de Viviane Lipskier

Le livre DNVB, les surdoués du commerce digital

Le compte Medium de Viviane

Circle, une DNVB accompagnée par Viviane dont elle nous conseille de s’inspirer

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