Marketing responsable
September 10, 2024

Faire bouger son industrie avec l’activisme de marque

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Cette semaine, on quitte l’univers des marques B2B, pour nous intéresser à un produit de grande consommation – et pas des moindres…  Je reçois en effet pour ce nouvel épisode de The Storyline 

 

Connaissez-vous Les Petits Bidons ? Cette marque de lessive écologique fait bouger les lignes de son industrie, en s’engageant auprès de ses consommateurs. Cyril Neves, son fondateur, a accordé une interview au podcast The Storyline. Il y partage sa vision de l’activisme de marque, ainsi que l’histoire des Petits Bidons, depuis la naissance en ligne de la marque en tant que DNVB (pour Digital Native Vertical Brand), jusqu’à son référencement dans le catalogue de nombreuses grandes enseignes françaises. 

 

Cyril explique aussi les actions de lobbying mises en place dans le cadre de sa stratégie de marketing responsable. Une approche passionnante, centrée sur la communication engagée, transparente et authentique, qui ouvre la voie au marketing de demain… Dans cet article, on vous propose de décortiquer les piliers de l’activisme de marque

 

Les Petits Bidons : du Direct To Consumer à la grande distribution

 

Après avoir travaillé pendant 7 années dans des grands groupes (Danone et L’Oréal), Cyril souhaite trouver du sens et plus de contrôle sur sa vie professionnelle. Une envie qui le mène naturellement vers l’entrepreneuriat, et plus précisément dans l’univers des produits ménagers. 

 

Il lance sa marque, les Petits Bidons, en Janvier 2019. Sa mission est alors de proposer une gamme de produits bien plus propres que ceux qui existent sur ce marché très opaque des détergents. Opaque, car en effet, les marques n’y sont toujours pas contraintes de communiquer la liste complète de leurs ingrédients. 

 

La marque se distingue donc initialement avec une formule zéro déchet et zéro plastique, disponible via un e-shop. La marque propose également une offre d’abonnement

 

En 2019, le modèle des DNVB commence à accélérer. Il correspond bien au marché des Petits Bidons, en permettant non seulement la maîtrise des marges, mais aussi la communication directe (fortement teintée de pédagogie) avec ses prospects. 

 

En 2021, les Petits Bidons passent pourtant du modèle D2C à la grande distribution. Cette transition (initialement dans les petites enseignes spécialisées puis en GMS – Grandes et Moyennes surfaces) est motivées par deux raisons : 

 

  • Le besoin de toucher un grand public, pour rendre le monde toujours plus propre ;
  • La nécessité d’être présent en magasin. Là où la grande majorité de ses consommateurs achètent encore leurs produits ménagers. 

 

Adapter son positionnement et sa communication au retail tout en maintenant une forme d’activisme dans sa marque

 

Si Cyril est heureux d’avoir pu démarrer comme une DNVB (avec la liberté que cela procure aux marques), le passage à la grande distribution nécessite quelques ajustements. Pour gagner en visibilité dans les rayons, mais aussi expliquer sa proposition de valeur à des prospects qui ne suivent pas la marque sur les réseaux sociaux, les Petits Bidons revoit son packaging. Plus explicatif, le but est de présenter clairement ce qui démarque l’entreprise de ses concurrents. 

 

Si le passage du modèle online au modèle offline est de plus en plus courant chez les DNVB (qui le jugent obligatoire pour toucher leur marché adressable), il n’est pas toujours facile à négocier. Contrairement aux marques traditionnelles qui font le chemin inverse, les marques historiquement DTC peuvent capitaliser sur une excellente connaissance de leur buyer persona

 

Quand on se lance en ligne, on a en effet une discussion permanente avec ses clients autour de la création de produit ou de contenu). Un avantage qui permet aux DNVB, quand elles arrivent en magasin, d’expliquer aux distributeurs qui sont leurs consommateurs.

 

La force des Petits Bidons est que ce changement de modèle n’a pas énormément impacté sa typologie de consommateurs. Cyril n’a en effet jamais voulu créer une marque “bobo-niche”. Venant d’un milieu populaire, son objectif était au contraire de proposer un produit que sa famille pourrait et aurait envie de consommer. Un choix qui se ressent sur la stratégie éditoriale de la marque, le packaging, mais aussi les usages de ses produits (proches de ce qui existe déjà sur le marché). 

 

Le c*l entre deux chaises : comment concilier marketing ROIste et activisme de marque ?

 

Pour se faire une place en grande surface, les Petits Bidons construit sa plateforme de marque autour de deux éléments : 

 

  • Son Label Made in France ;
  • Sa formule 100 % naturelle (qui exclut les pétroles et perturbateurs endocriniens sans sacrifier l’efficacité du produit). 

 

La marque détonne dans le paysage français avec un positionnement 100 % transparent. Les Petits Bidons communique dans le détail sa liste d’ingrédients (avec le nom scientifique et la vulgarisation de chacun) pour permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés. 

 

C’est d’ailleurs le grand combat de Cyril : montrer le bon exemple pour forcer ses concurrents à être aussi transparents que lui. Un combat d’autant plus nécessaire que le marché des détergents ne peut pas compter sur un tiers de confiance (comme Yuka dans l’alimentaire) pour faire le tri dans les produits green et le bullshit. 

 

Résultat : sa stratégie de contenu est non seulement tournée sur le produit lui-même, mais aussi et surtout sur cette notion de transparence. Les Petits Bidons s’adresse à ses clients de plusieurs façons : via des infographies, des interviews de spécialistes ou des études scientifiques. Un travail pédagogique qui permet de donner des explications, mais jamais de leçons. Le consommateur est face à un constat : à lui de décider ce qu’il souhaite en faire. Il trouvera d’ailleurs sur le site des Petits Bidons des recettes pour faire sa lessive maison !

 

Moins de ROI, plus de confiance 

 

Si ce positionnement peut paraître louable, il place les Petits Bidons dans un entre-deux pas toujours confortable. Celui de pourfendre une industrie dont on est un acteur à part entière. Le risque est grand de se faire rattraper par ses contradictions, ou d’être accusé de greenwashing

 

Pour Cyril, cette complexité est aussi ce qui prouve l’intégrité de la marque. Les Petits Bidons investit en effet des moyens conséquents, non pas pour acquérir ou fidéliser de nouveaux clients, mais pour faire changer son marché. 

 

En allant au-delà des objectifs marketing et du ROI, elle montre le bon exemple, prouvant la sincérité de sa démarche. En effet, Cyril est persuadé que le changement ne viendra pas des grandes marques, mais des consommateurs. Une stratégie intéressante, qui consiste à prendre ses concurrents en sandwich entre les demandes des clients et les obligations légales. 

 

Faire de l’activisme de marque son levier de différenciation

 

Les Petits Bidons milite en effet pour faire évoluer la réglementation (française et européenne). Cyril a par exemple engagé un conseiller en lobbying. Ce dernier l’a aidé à travailler sur les sujets les plus pertinents à défendre, le premier étant la transparence. Il a ainsi rencontré des députés, sénateurs et cabinets ministériels pour expliquer l’importance de plus de transparence (d’autant plus qu’il s’agit d’un droit qu’ont les consommateurs). 

 

Une fois que la bonne parole a été prêchée, le lobbying consiste à analyser les véhicules législatifs (comme la loi finance, ou le récent projet de loi sur le climat). Puis, de voir comment la marque peut proposer des amendements cohérents avec ces derniers. 

 

Cet activisme de marque a permis aux Petits Bidons de créer de la confiance avec ses consommateurs, en faisant bouger les lignes de son marché. En 4 ans, Cyril a ainsi vu ses concurrents porter les revendications des Petits Bidons sur leurs packagings. La preuve que le lobbying (même si le mot fait encore peur à de nombreux consommateurs) est efficace pour faire avancer les choses. 

 

Une prise de parole millimétrée sur les canaux de com’

 

Pour porter ce message le plus efficacement possible, les Petits Bidons adapte sa communication à chaque canal de communication. Elle est aussi bien présente en ligne (Instagram, Facebook, LinkedIn et Twitter) qu’hors ligne (en publiant des tribunes dans les grands médias, papier comme digitaux). 

 

Pour chaque canal, la marque personnalise le contenu. Sur TikTok, elle intéresse la Gen Z à la lessive en surfant sur la tendance des micro-trottoirs. Sur LinkedIn, la marque ne fait pas de la pédagogie, mais partage plutôt les coulisses de l’entreprise. 

Quel que soit le canal qu’elle investit, l’entreprise a réussi à générer un engagement très fort. La marque collecte ainsi de nombreux feedbacks sur ses produits. En se positionnant comme une marque sincère, elle attend la même sincérité de ses clients. Un bon moyen de ne pas perdre de temps et de rester une entreprise agile – aussi bien dans ses produits que sa communication.