Julie Charrier est Brand Designer et fondatrice du Studio Kahi. Dans le podcast The Storyline, elle partage les bonnes pratiques liées à la création d’une identité de marque, aussi appelée plateforme de marque.
Au micro du podcast, Julie dévoile sa secret sauce pour créer une personnalité et une identité visuelle impactante pour tout projet.
Après avoir tâtonné dans les domaines du design de mobilier et de produit, Julie choisit finalement de s’orienter vers le brand design. Parce qu’elle n’arrive pas à trouver un poste qui lui convienne, elle finit par se lancer en freelance, pour aider un ami qui vient de créer son entreprise à concevoir les éléments graphiques de sa marque.
Avec le statut d’indépendante, Julie se sent plus libre d’appliquer sa créativité et sa sensibilité à son travail. Elle collabore avec des marques qui lui ressemblent et partagent ses convictions. Une formule gagnante, qui lui permet de créer des identités qui fonctionnent, puisque le projet lui parle à la base.
Sa particularité avec le Studio Kahi est de mettre beaucoup d’importance dans le fait de commencer par définir une identité ou plateforme de marque, en amont de l’identité visuelle. Il est en effet impossible de mettre en place une stratégie de contenu cohérente sans identité de marque claire et bien définie.
La partie stratégie est elle aussi très importante dans le brand design, notamment pour donner plus de profondeur à l’identité visuelle de la marque et lui faire restituer des valeurs d’entreprise et émotions profondes. Sur chaque nouveau projet, Julie va donc creuser les convictions fortes des entreprises, définir leur public et les problématiques qu’il rencontre.
Julie rappelle également l’importance d’analyser la concurrence. Une étape qui permet d’éviter d’utiliser les mêmes codes que son marché, et d’adopter une stratégie et une identité différenciantes.
Autant d’éléments qui permettent de façonner le storytelling d’une marque et donc d’impacter la perception qu’en ont ses clients. Dans un univers de plus en plus concurrentiel et face aux exigences élevées des consommateurs, il est en effet crucial de faire une bonne première impression (que ce soit à travers son feed Insta ou son site Internet). En tant que cliente, Julie privilégie elle aussi les marques qui proposent un parcours client clair, car elles lui inspirent plus confiance.
C’est aussi tout l’intérêt d’embarquer ses clients dans son univers grâce au storytelling et de susciter chez eux des émotions fortes. L’idée, c’est de les éloigner de la rationalité et de les amener sur le terrain que l’on maîtrise le mieux : celui des émotions, justement. Avec cette stratégie, les marques peuvent augmenter la valeur perçue de leur offre. Ce faisant, elles se distinguent de celles qui restent sur un terrain purement transactionnel (en se concentrant uniquement sur les caractéristiques tangibles de leur produit ou sur leur pricing, par exemple).
Auprès des marques qu’elle accompagne dans la définition de leur identité de marque, Julie commence toujours par une étude approfondie de leur ADN. Elle se questionne sur leurs valeurs profondes, mais surtout leur personnalité, sous forme d’archétypes.
Ce concept de Carl Jung, emprunté à la psychologie, permet de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain et de s’en servir dans sa stratégie marketing. Pour les marques, tout l’intérêt est d’endosser une personnalité affirmée, et que son audience se retrouve dans ses valeurs. Cela facilite aussi leurs prises de décision et la transformation d’une plateforme de marque en stratégie actionnable.
Il existe de nombreux archétypes de marque, dont certains qui sont aujourd’hui très répandus :
Julie mentionne l’exemple de la marque Red Bull, qui met en avant la quête d’adrénaline et le fait de dépasser ses limites. En adhérant à l’archétype de l’explorateur, la marque attire donc des consommateurs qui recherchent ce genre de sensations et se retrouvent dans son référentiel de valeurs.
Patagonia, elle, incarne un autre type d’explorateur. L’entreprise activiste est devenue dernièrement une marque lifestyle, très impliquée dans la protection de l’environnement (une valeur forte, qui attire de nouveaux clients). C’est même devenue une marque très prisée des financiers de Wall Street, preuve que les consommateurs peuvent aussi s’approprier une marque qui est à mille lieux de leur propre référentiel.
Julie offre ensuite un exemple concret pour mieux comprendre le passage de la plateforme de marque à l’identité visuelle. Elle a en effet travaillé pour une marque de maillots de bain, dont le cheval de bataille était l’inclusivité. Cela s’est traduit dans le choix des modèles, de toutes tailles et origines. Mais aussi, dans le choix des mots qui doivent lui permettre de se différencier de ses concurrentes. Pour finir, elle a choisi des formes organiques et des courbes rappelant celles du corps féminin pour concevoir le logo.
On ne comprend d’ailleurs pas toujours l’intérêt d’un logo. Mais il permet pourtant d’identifier la marque facilement. Attention cependant, le logo en lui-même n’est pas suffisant pour construire une image de marque ! Il est en effet important de travailler tout l’univers de la marque qui l’entoure.
Par exemple, la marque OpenClassroom, en opérant une refonte totale de sa plateforme de marque, ne s’est pas limitée au logo. Au contraire, elle a repris toute sa palette de couleurs et retoqué l’ensemble de ses supports de communication. On peut d’ailleurs lui piquer la bonne idée qui consiste à préparer son audience et ses clients, pour les amener petit à petit dans ce nouvel univers. Cela permet de s’assurer que la marque reste reconnaissable. Teaser les coulisses d’une refonte est aussi un bon moyen de créer du lien et de demander l’avis de son audience.
Bien comprendre qui sont les personnes à qui on s’adresse est aussi crucial pour réussir à retranscrire dans sa communication les bons éléments pour les toucher. Qui est votre buyer persona ? Quelles sont ses habitudes de consommation ? Qu’est-ce qu’il recherche chez les marques ? Quels sont son caractère, ses besoins et ses désirs… Autant d’éléments qui vous permettront de mieux vous positionner une fois que vous les maîtriserez.
Lorsque l’on imagine sa plateforme de marque, se pose aussi la question de savoir s’il faut suivre ou casser les codes de son secteur. C’est l’éternel dilemme : faut-il absolument se distinguer au risque d’être mal perçu ou être plus difficilement identifiable auprès de son public cible ?
Pour Julie, tout est une question d’équilibre. On peut se démarquer, certes, mais sur certains points en particulier. Elle a par exemple travaillé avec un comptable qui a gardé la couleur bleue (une référence dans son secteur), mais a opté pour un bleu électrique pour se démarquer et attirer plus facilement l’attention de sa cible (un public plus jeune). Sa plateforme de marque et la définition de son persona l’ont aussi aidé à garder un contenu facilement compréhensible, et d’éviter le jargon trop technique.
L’idée est donc de ne pas être en totale rupture avec son secteur. Mais plutôt, de jouer avec ses codes et surtout de se les approprier.